Près de 70 personnes avaient fait le déplacement. Du jamais vu dans l’histoire de la Dictée dont la première édition s’est déroulée le 19 mars 2003. D’habitude, le nombre oscille entre 40 et 50 personnes. Deux grandes tables ont été rajoutées « en catastrophe » afin de pouvoir donner une place à chaque participant.
TEXTE DE LA DICTÉE TIRÉE DE « L’ÉTROITE LUCARNE DU PASSÉ » DE ROLAND ROSSERO.
Le restaurant est situé sur l’ancienne île Nou. C’est un des anciens bâtiments de la Pénitentiaire, un des rares à avoir été préservé. Construit en 1881 par les locataires au bail à la durée indéterminée du pénitencier, il a abrité au début un commandant militaire, chargé de la surveillance. Une fois les travaux forcés supprimés, il a connu des occupants aussi différents que variés. Plus récemment, il a fait office d’agence postale, puis son l’a transformé en temple gastronomique, tout en gardant l’ossature primitive de pierres taillées. Une terrasse véranda et un deck sur la mer, relié par un un pontant en bois clair, ont gommé son côté lugubre et l’endroit, désormais pimpant, vaut le détour. D’autres vestiges de ce temps résolu et enfoui sciemment dans les mémoires s’érigent aux alentours, dont l’immense « Théâtre de l’île » qui devait être au départ, une cathédrale pour la colonie pénale. Plus prosaïquement, le bagne…
C’est son deuxième jour de vacances aux antipodes. Il a passé la première journée à se remettre du voyage aérien et a commencé ce matin tranquillement la visite de Nouméa. Il a pris six semaines de congés, sa boîte lui doit bien ça. Il savoure à cet instant le fait d’être célibataire et d’avoir une famille réduite à la plus simple expression, une demi-soeur qu’il ne voit plus depuis des années. Le rêve pour un voyageur, être seul, donc disponible pour toutes sortes de rencontres, pouvoir agir à sa guise, maîtriser ses horaires, son parcours et ne pas être obligé d’envoyer des cartes postales, des mails ou des coups de fil aussi répétitifs qu’ennuyeux. Les vacances parfaites, la totale liberté. Le mot le fait sourire… liberté d’aller dîner au milieu de pierres qui ont connu la souffrance forcée de leurs bâtisseurs ; Son Guide du Routard lui a conseillé la cuisine de l’établissement, excellente et le cadre historique, chargé d’atmosphère. Ces deux qualités sont à déguster surtout le soir. Le décalage a du bon, il n’a pas du tout sommeil et très faim. Il flâne un moment en fumant une cigarette autour du bâtiment, hume l’air marin, se rassasie des odeurs et se décide enfin à grimper les marches qui mènent à la porte du restaurant. On l’accueille chaleureusement, on veut prendre son chapeau en osier finement tressé, imitant la forme d’un feutre anglais. Il refuse poliment, car il y tient beaucoup, il l’a acheté l’an dernier sur la Côte d’Azur et ne le porte que pendant ses congés ou lors de grandes occasions, ce qui est un peu la même chose. Il jette un coup d’oeil au grand miroir qui fait face à l’entrée. Sa veste claire, légère, posée sur un tee-shirt immaculé, fait de l’effet sur sa silhouette mince de cinquantenaire. *Point final.